L’existence d’une communauté juive au Maroc remonte aux prémices de l’Antiquité même si les témoignages historiques et archéologiques sont peu nombreux et imprécis pour cette première période.
A l’époque greco-romaine, un nombre important de sources écrites permet une meilleure évaluation de la place occupée par la communauté juive et de ses activités. Ces références se trouvent surtout dans les textes religieux, les inscriptions hébraïques de Volubilis et Sala ainsi que dans certaines chroniques. D’après celles-ci, les principales activités étaient l’agriculture, l’élevage et le commerce.
Il semblerait qu’à partir du Ier siècle, suite à une forte immigration en provenance d’Orient, de Babylonie et d’Arabie, et à la judaïsation de tribus berbères en Maurétanie tingitane, la population juive s’accroît de façon régulière. Une autre vague importante d’immigration au Maroc fut déclenchée par les persécutions des Wisigoths en Espagne et en Gaule, antérieure à la conquête islamique de la péninsule ibérique.
Lorsque Fès, nouvelle capitale des Idrissides, accueille de nombreux immigrés juifs et musulmans de Cordoue et Kairouan, elle possède déjà un quartier réservé à la communauté juive, le Fondouk al-Yahoudi. Une partie de cette communauté s’installa également dans le quartier des Andalous et dans celui des Kairouanais.
Avec la domination de l’Espagne par les Almoravides, de nombreuses familles juives du Maroc décidèrent de s’établir en Espagne comme celle du célèbre talmudiste Isaac Ha-Cohen al-Fâsî (dit le Rif) qui résida à Cordoue en 1088. Sous le règne des Almoravides, d’après de nombreuses chroniques, les rabbins et les lettrés de la communauté juive voyageaient aussi bien à travers le Maroc qu’à l’étranger.
Le rigorisme des Almohades obligea une partie de la communauté juive à émigrer, dont la famille de Rabbi Maimon, père de Maimonide qui quitta le Maroc pour l’Egypte.
Avec les Mérinides, la vie culturelle, littéraire et artistique de la communauté juive put à nouveau s’épanouir. Le quartier juif de Fès-Jdid, ville nouvellement créée, fut même placé sous la protection directe du souverain. En 1391, de nombreuses familles juives quittèrent l’Andalousie pour s’installer à Fès.
Lorsque des milliers de Juifs furent expulsés d’Espagne en 1492 et du Portugal après 1496, les successeurs des Mérinides les accueillirent. Ces exilés, grâce à leurs connaissances linguistiques, jouèrent un rôle d’intermédiaires actifs entre les occupants européens des villes côtières et les autorités marocaines, allant même jusqu’à occuper les fonctions de conseiller et ministre. Désormais, les juifs participaient activement à la vie économique, voire politique du Maroc. A partir de la fin du XVème siècle, la communauté juive connut une période florissante sur le plan culturel grâce à d’éminents juristes, talmudistes, cabalistes et savants.
A partir du milieu du XVIe siècle et suite à la reconquête de nombreuses villes marocaines occupées par des nations chrétiennes comme Agadir, Safi, Azemmour, de nombreuses personnalités juives furent chargées par Moulay Zidane (1613-1627) et ses successeurs de négocier et conclure des traités d’amitié et de commerce avec certains pays européens. Cependant, la grande majorité de la communauté juive vivait dans des conditions déplorables, souffrant de son statut mais aussi des épidémies et disettes, comme, du reste, l’ensemble de la population marocaine.
Sous le règne du souverain alaouite Sidi Mohammed ben Abdallah (1757-1790), la communauté juive connut une véritable période de prospérité. De nombreux rabbins et lettrés de renom marquèrent cette époque par leurs œuvres et leur aura. A la mort du monarque, la communauté juive connut une période très difficile et douleureuse. Ce n’est qu’à l’avènement de Moulay Slimane (1792-1822) que la communauté juive et ses services rendus au royaume furent reconnus à leur juste valeur. Son successeur Moulay Abderrahmane (1822-1859) ira même jusqu’à promulguer un dahir rappelant avec force la protection due à tous les Juifs du Maroc dont le nombre était estimé à deux cent cinquante mille. L’instauration d’un véritable réseau scolaire à travers tout le royaume débuta par la création d’une école de l’Alliance israélite universelle en 1862 à Tétouan et contribua à la promotion intellectuelle et sociale de toute la communauté.
Avec Hassan Ier (1873-1894), le XIXe siècle se termine de façon heureuse pour la communauté juive. La production exégétique, juridique, philosophique et littéraire fut particulièrement abondante et de grandes figures illustrèrent les écoles de pensée de Fès, Meknès, Tétouan, Tanger, Salé, Rabat, Essaouira et Marrakech.
Ainsi, la communauté juive, installée au Maroc depuis l’Antiquité, enrichie d’apports divers en provenance du Proche-Orient et du bassin méditerranéen, a évolué avec bien des vicissitudes au cours des différents règnes. Il en a résulté avec la communauté berbère, puis arabe, une coexistence et une symbiose se manifestant dans les divers aspects de sa vie culturelle et de son évolution sociale : dans la langue (judéo-berbère et judéo-arabe), la poésie, la littérature, la musique, les traditions, l’ethnoscience, l’artisanat, le droit, la jurisprudence, la science et la médecine.
La production littéraire de la communauté juive marocaine fut très importante et variée aussi bien en langue hébraïque qu’en judéo-arabe ou judéo-espagnol.
La création artistique, de très haute facture, fut également importante comprenant un grand nombre de manuscrits rares et textes religieux ornés de riches enluminures, des instruments d’observation scientifiques, des bijoux, des costumes et du mobilier et des objets liturgiques.