L’exposition des arts décoratifs de 1925, connue aussi sous le nom d’Expo 25, provoque pendant trois ans une véritable obsession de la décoration. Le Corbusier, qui y participe, écrit à son propos que l’intérêt pour la décoration allait du carton à chapeau au plan régulateur de Paris.
Les ébénistes de cette période s’inspirent d’influences historiques très diverses :
Emile-Jacques Ruhlmann et Paul Iribe du Louis XV ou du Louis XVI ; Louis Süe et André Groult de la Restauration ; Râteau recherche son inspiration en Orient ou en Espagne ; Jules Leleu tente de réaliser une synthèse des courants de l’époque. On retrouve une stylisation géométrique des thèmes naturalistes : les paniers de fleurs, les corbeilles de fruits sont des décorations courantes.
On découvre aussi des décorations plus élaborées, des effets de matières rares tels le galuchat, l’ivoire en relief sur les bois sombres vernis. Les paravents de laque d’or de Jean Dunand symbolisent le luxe de cette époque.
Des poètes comme Cocteau, des peintures comme Modigliani, des musiciens comme Poulenc, des couturiers comme Coco Chanel et Paul Poiret, des écrivains comme Colette, s’intéressent de très près à la décoration.
Présentée souvent comme une ville sans passé, contrairement aux villes impériales comme Fès ou Marrakech, Casablanca a pourtant été fondée mille ans avant Jésus-Christ. Casablanca s’est largement rattrapée,durant ce siècle, de son existence en dents de scie. Rarement des lieux eurent un destin si rapide influençant si fortement un pays.. Rarement une petite bourgade portée en cinquante ans au rang de grande ville internationale, présenta aux hommes aussi totalement à nu, ses vicissitudes, ses richesses, ses misères et sa grandeur pour qu’elles servent d’enseignement. Nous avons là, en un raccourci saisissant, ce que l’on peut faire de meilleur et de pire et Casablanca peut avoir aussi bien pour le spécialiste que pour le simple citoyen, la même valeur éducative que la projection d’un film où l’on montre, à l’accéléré, la croissance d’une plante depuis la graine posée en terre jusqu’au fruit.
Ainsi, à Casablanca, nom mythique d’Hollywood s’il en est, il n’est nullement nécessaire d’aimer le film pour aimer la ville, même s’il est clair que le film de Michaël Curtis, sans y avoir été tourné, a plus fait pour la notoriété de la ville auprès du grand public que Candilis, Boyer et Laprade réunis. Il est certes vain de croire que quelques dizaines de pages agrémentées de plusieurs superbes photographies vont rendre toute l’effervescence,tout le dynamisme, toute les absurdités de la ville. Seulement, et j’en suis convaincu, ceux qui parcourront cet ouvrage, et qui ne connaissent pas Casablanca, auront envie d’y séjourner. Tandis que ceux qui pensent la connaître, qui la fréquente, qui la vivent ou la subissent, regarderont cette ville autrement. Avoir toute cette richesse et cette diversité patrimoniale à portée de regard et marcher le nez par terre est un gâchis. Laisser ce patrimoine s’effriter et souffrir est un crime.
Les façades, les avenues, les bâtiments de Casablanca sont là pour nous, sont à nous, témoignent d’une époque, d’une atmosphère, d’un cosmopolitisme, d’une énergie qu’il faut plus que jamais exalter en cette époque de frilosité et de repli sur soi. Casablanca appartient à ceux qui savent la regarder, à ceux qui l’aiment pour ce qu’elle est, à ceux qui, avec Tito Topin, diront nous, ont est sur l’Atlantique ! On se baigne dans des vagues de cinq mètres, on a des piscines en forme de haricot.
Chers lecteurs, levons le nez au ciel bleu où se découpent des silhouettes blanches, des volumes lyriques,des formes et décors sublimes… Apprenons à regarder, à apprécier, à aimer pour perpétuer et créer dans la continuité. Et rappelons-nous que l’architecture est le signe visible des mœurs d’une nation, de ses goûts, de ses tendances, plus que tout autre art peut être, elle laisse une trace durable de l’état intellectuel d’un peuple, de sa vitalité, de son énergie ou de sa décadence.
Rachid Andaloussi, architecte
Président de l’Association de sauvegarde du patrimoine architectural de Casa.